Jean Perdijon (Grenoble)
Son esprit s'échappa vers le labyrinthe de la double pensée. Connaître et ne pas connaître. En pleine conscience et avec une absolue bonne foi, émettre des mensonges soigneusement agencés. Retenir simultanément deux opinions qui s'annulent alors qu'on les sait contradictoires et croire à toutes deux. Employer la logique contre la logique.
George Orwell (1984)
Les corpuscules sont localisés - on peut les compter -, ils se déplacent selon des trajectoires qui peuvent les amener à se choquer - ils sont impénétrables. Au contraire les ondes s'étendent dans tout l'espace disponible et se laissent traverser - elles peuvent se superposer.
Plutôt que d'accepter que le photon possède à la fois deux états absolument contradictoires, on peut penser que cette complémentarité n'est que le résultat d'une alternance des propriétés ondulatoires et corpusculaires de la lumière : les deux états possédant ces propriétés se succéderaient à une cadence si rapide que nos mesures (qui ne fournissent que des valeurs moyennes) seraient seulement capables d'enregistrer un état ou l'autre, suivant le dispositif utilisé. L'état "onde" correspondrait à un faisceau large et peu dense, qui aurait une forte probabilité de passer par les deux voies et de produire une interférence (voir haut de la figure). Alors que l'état "corpuscule" correspondrait à un pinceau très étroit qui, lorsque par chance il pénètre dans une voie, aurait une densité énergétique suffisante pour déclencher le photomultiplicateur situé en face (voir bas de la figure).
Or un tel rayonnement à géométrie variable est précisément celui produit par un électron qui est accéléré jusqu'à une vitesse relativiste, avant d'être brutalement freiné. La principale source de rayonnement électromagnétique est en effet constitué par l'accélération d'une charge. Tant que sa vitesse est bien inférieure à celle de la lumière, un électron émet selon deux lobes de large ouverture, situés symétriquement de part et d'autre de sa trajectoire ; par contre, lorsque son mouvement devient relativiste, l'ouverture des lobes diminue considérablement pour former, comme dans le cas du rayonnement synchrotron, deux pinceaux intenses qui sont pratiquement orientés suivant le vecteur vitesse. Et les sources utilisées dans les expériences précédentes peuvent être considérées comme constituées d'un grand nombre d'électrons qui sont ainsi excités de façon aléatoire.
Référence : J. Perdijon, "Le quantique : un paradoxe de la relativité ?", Désiris, 2014.